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d''encre et de papier
4 mars 2009

Ritournelle de la faim Le Clézio

"Une petite fille donne la main à un vieux monsieur. Ensemble, dans la nuit, ils marchent à contre-courant de la foule. Ethel a dix ans. La haute stature de son grand-oncle la protège. Main dans la main, ils pénètrent dans le pavillon indien de l’exposition coloniale, bois de Vincennes, un soir d’été 1931.

« Quelque chose tremble. Quelque chose d’inachevé, un peu magique. Qu’il n’y ait personne, sans doute. Comme si c’était ici le vrai temple, abandonné au milieu de la jungle, et Ethel croirait entendre la rumeur dans les arbres, des cris aigus et rauques, le pas soyeux des fauves dans le sous-bois, elle frissonne et se serre contre son grand-oncle. »

Suit une histoire incroyable et la tendre complicité qui lie ce vieil homme, aux rêves un peu fous et cette toute petite fille, dont il fait sa légataire, qui par lui aurait pu apprendre la lointaine histoire de sa famille, à l’île Maurice, le pays de son enfance. Mais Monsieur Soliman meurt…

Ethel ensuite se console en se lançant à cœur perdu dans une brûlante amitié qui tourne à la vénération pour une adorable camarade de classe qui arrive de Russie avec sa famille ruinée. Xénia a les yeux  « d’un bleu pâle, un peu cendré – couleur d’ardoise délavée, couleur de la mer  du Nord » : « Elle avait cette façon de dire le x de son prénom, en chuintant doucement du fond de la gorge, qu’Ethel trouva aussitôt merveilleuse ». Les deux  fillettes découvrent le monde et rêvent d’avenir.

Le Clézio a évoqué la figure de Nathalie Sarraute qui aurait inspiré des éléments de ce personnage. Car la grande romancière a vécu un temps à Paris (événements qu’elle décrit merveilleusement dans Enfance), dans le quartier où a grandi la mère de Le Clézio qu’elle aurait sans doute pu croiser (la première, née en 1900, devait cependant être plus âgée que la mère de Le Clézio). Mais cette histoire tourne court. Nous ne saurons guère plus de la détermination de la jeune beauté russe qui est prête à tout pour effacer l’odeur de pauvreté qui émane de ses vêtements et de son eau de toilette bon marché.

 

S'enchaînent de longues conversations de salon qui se tiennent rue du Cotentin où ses parents reçoivent. Ethel, encore petite, au début, s’endort sur les genoux de son père, alors que la berce un brouhaha d’accents, mauricien, réunionnais, parisien, anglais. On refait le monde, on commente les grands événements politiques, on parle de la crise économique qui fait ses premières victimes. Ces pages sont longues. C’est l’histoire qui se déroule sous nos yeux à la dimension de ce que les contemporains en perçoivent et qu’ils décrivent avec leurs partis-pris, le prisme déformant de leurs convictions politiques, de leur racisme ou de leur antisémitisme ordinaire dans les années 30.

Ces pages qui constituent le cœur du roman sont pénibles, à la mesure de la peine d’Ethel qui découvre la petitesse de certains de ses proches. Elle ne supporte plus les disputes de ses parents où grandes causes et petits conflits sont tour à tour évoqués avec la même passion. On comprend le  parti-pris de l’auteur qui rapporte des conversations telles que les perçoit une  toute jeune fille. Cependant, ce choix d’évoquer des événements majeurs par le tout petit bout de la lorgnette en laissant le soin au lecteur de recomposer les événements dont il est question est un choix qui entretien un certain malaise tout au long de la lecture.

Ethel grandit et avec elle le dégoût de ce qui se noue. Sa famille ruinée part à Nice. Une nouvelle histoire commence, celle des réfugiés parisiens dans le sud de la France. On suit Ethel qui cherche désespérément de la nourriture pour ses parents malades. Enfin, le livre se termine avec la libération.

 

Le génie du grand romancier est d’avoir mille  histoires à raconter. On aurait tellement voulu en savoir plus de ce lien mystérieux qui liait un vieux monsieur mauricien et sa jeune nièce. Que dire aussi de cette histoire d’amour enfantine entre deux immigrées si différentes qui se retrouvent en 1931 sur les bancs d’une école parisienne. Et l’histoire de ce jeune juif anglais dont la tante est emmenée en juillet 1942 à l’occasion de la rafle du Velodrome d’Hiver. Et le soir de la première représentation du Boléro de Ravel et les huées qui en saluent l’effondrement final.

 

C’est donc une étrange impression de survol ou d’inachevé qui nous reste lorsque nous refermons la page 206 de ce court roman. Aurait-il fallu ne retenir qu’un fil et le suivre un peu plus loin ? Aurait-il multiplié par 10 le nombre de pages ? À vous de voir et de nous dire."

www.actualitte.com

                           

"En 1931, Paris accueille l’Exposition coloniale. Une petite fille de dix ans, Ethel, s’y promène avec son grand-oncle, Samuel Soliman. Ce dernier porte sur l’Exposition un regard d’autant plus ironique que lui-même est originaire de l’île Maurice. Néanmoins, en découvrant le pavillon de l’Inde, il décide de l’acquérir pour le faire reconstruire sur un terrain qu’il possède : il l’appellera la Maison mauve. Très impressionnée par ce projet, Ethel promet à son grand-oncle d’en assurer la réalisation après sa mort. En effet, Samuel Soliman est un homme âgé, riche, qui veut faire de la jeune fille son héritière.

Peu de temps après survient un événement capital dans la vie d’Ethel : au collège, elle fait la connaissance de Xénia, fille d’immigrés russes désargentés et hautement cultivés. Dès lors, Ethel devient inséparable de Xénia. Mais leur amitié va peu à peu se déliter à mesure que se précise la montée de l’extrême droite en France et que la situation financière des Soliman se dégrade. Car si le père d’Ethel a réussi à confisquer la fortune du vieil homme, il a fait des placements financiers catastrophiques.

Xénia épouse Daniel Donner, riche mais inculte, tandis qu’Ethel se fiance avec Laurent Feld. Lorsque les hostilités commencent, les Soliman se réfugient à Nice. S’ouvre alors une période très sombre pour Ethel, qui va connaître la faim, la peur et l’humiliation.

En 1945, elle retrouve Laurent. Il lui raconte son engagement dans l’armée canadienne et les atroces scènes de combats contre les Allemands. Puis il évoque un événement encore plus atroce : l’arrestation de sa tante Léonora en 1942 lors de la rafle du Vel’ d’Hiv’ et sa mort en déportation. Avant d’émigrer au Canada avec Laurent, Ethel revoit une dernière fois Xénia et comprend que leur amitié est devenue impossible.

Plus tard, au début des années 2000, Ethel se promène sur le parvis de Beaugrenelle où elle songe avec émotion à ce que ces immeubles recouvrent désormais : l’ancien Vel’ d’Hiv’ et son cortège de mauvais souvenirs.

   

       Prix Nobel 2008"
bibliosurf.com

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