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d''encre et de papier
22 mars 2009

Welcome

19032658

de sortie :  11 Mars 2009   Les films de 2009 ...
Réalisé par Philippe Lioret
Avec Vincent Lindon, Firat Ayverdi, Audrey Dana   Plus...
Film français.
Genre : Drame
Durée : 1h 50min.
Année de production : 2008
Distribué par Mars Distribution
Tags : immigration , kurdistan , nageur / nager / natation, nord

Pour impressionner et reconquérir sa femme, Simon, maître nageur à la piscine de Calais, prend le risque d'aider en secret un jeune réfugié kurde qui veut traverser la Manche à la nage.

Vincent Lindon ne tient pas en place. En pleine interview, il se lève, se débarrasse de ses tics de paupières et de mains, et nous fait le maître-nageur : « Bien planté sur ses talons et très lent. Pourquoi ? Il avance à la vitesse où nage un enfant. Un et demi à l’heure. Alors, il fait tout plus lentement, plus doucement. » L’habit fait le moine, tel est le credo de Lindon acteur. Et voilà comment dans « Welcome », chaussé de claquettes, survêt tombant, sifflet autour du cou, il donne l’impression d’avoir toujours longé les lignes d’eau à la piscine de Calais. L’homme se dit grand observateur : il emmagasine et restitue sur un tournage, à fond, à bloc, même s’il faut jouer un lent.

Dans « Welcome », son personnage commence à 2 à l’heure. Simon est un endormi. Un mou. Sa femme, bénévole pour les migrants de Sangatte, a fini par se barrer. Lui, les réfugiés, il s’en tape. Et quand un jeune Kurde de Mossoul vient le recruter pour des leçons de natation, il est long à saisir qu’il a l’idée folle de rejoindre à la nage l’eldorado anglais et prend les 60 euros du garçon. Pour Philippe Lioret, le réalisateur, Simon est aligné sur Lindon : « Au début, c’est un ronchon. Pour le trouver, faut se lever de bonne heure. Mais quand on creuse, y en a. » Il y en a tellement que Lindon casse la baraque. Parce qu’il a rencontré « le rôle » dans « le film ». Le rôle d’un type qui change, qui se réveille et qui, en désespoir de cause, se met à aider. Non par grandeur d’âme, mais pour reconquérir son ex-femme. « "Welcome" est un documentaire fort sur Calais, mais si je le fais c’est parce qu’il y a une histoire d’amour, un type qui se bouge par égoïsme, pour épater sa fiancée. Comme chez Capra ou Walsh : un fond social, avec de l’émotion. »   

           

Un ventura aux yeux mouillés    

   

Comme Simon, Lindon est un diesel. Lent à l’allumage. Mais quand il se met en branle, c’est une force qui va. Mû par l’amour, la colère, l’injustice, il avance, super-héros ordinaire. Un Ventura aux yeux mouillés. Dans « Pour elle », tourné juste avant, il remuait ciel et terre pour sortir sa femme de prison. Quitte à franchir la ligne jaune, à entrer, comme dans « Welcome », dans l’illégalité. Deux rôles qui se ressemblent et imposent un Lindon au taquet, solitaire, rebelle, écorché vif. Comme Simon, on le devine emporté- « la colère, c’est mon moteur »-, impulsif, entier aussi. Un loup aux yeux de chien battu : les femmes ont envie de le consoler et, en même temps, on le sent surpuissant. Un acteur, c’est d’abord une cible mouvante. Emouvante. Une pâte d’homme aussi. De cette épaisseur, de cette densité, il y a qui dans le cinéma français ? Bacri, Amalric, Darroussin, Auteuil-quand il veut-et puis lui.

     « J’ai mis du temps à être fini », résume Lindon. Longtemps, en effet, il a traversé les rôles. Léger. Flottant. Pas là. Jusque-là, dans la famille Lindon, il y avait Jérôme, l’oncle des Editions de Minuit. Raymond aussi, le grand-père procureur contre les collabos, érudit spécialiste de fromages, de Maurice Leblanc. Et un peu plus loin, André Citroën, Henri Bergson, le capitaine Dreyfus. Lignée prestigieuse, écrasante. Le jeune Vincent, qui a fait musicien à New York, seconde Coluche dans ses tournées, on se demande ce qu’on va en faire. Acteur ? « J’avais peur. Je ne me sentais pas responsable. La première fois où j’y crois, où je me prends pour un autre, c’est sur "Fred", en 1997. Je suis là. »     Etre là : le plus beau compliment pour Lindon. Il faut dire qu’il se donne :     « Sur un tournage, je suis comme un enfant sur un bateau à voile avec son père : il veut à tout prix se rendre utile, pour montrer qu’on a bien fait de l’emmener. » Dans « Welcome », Lindon est là. De tout son poids viril. Avec cette aisance naturelle pour les rôles de prolo, lui, le fils de bourgeois et d’intellos.

A Calais, il y avait aussi le citoyen Lindon qui, depuis, défend le film comme jamais. De ses rapports avec Bayrou, qu’il a fidèlement soutenu, il ne veut pas parler, mais sur Calais il est intarissable : « Le premier soir, Lioret vient me chercher à la gare, on prend des migrants en stop dans un tournant. On est dans l’illégalité. On est dans le film. Lioret me raccompagne à l’hôtel : on parle du personnage ? Pas la peine, on s’est tout dit. »   

Et Lindon de s’énerver parce qu’on est dans un pays où un maire prend 5 000 euros d’amende pour fraude électorale, alors qu’on écope de cinq ans de prison ferme pour aide à personne en situation irrégulière : « J’espère qu’on va faire bouger les choses. Avec un film de fiction, on retient. Car on est avec des gens. A hauteur d’homme. »   

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